Lorsqu'Erwan sombra dans l'inconscience, Camille n'eut qu'un long soupir. Beaucoup trop rapide. Elle allait devoir dire aux magico-laborantin de l'Organisation qu'elle n'avait absolument pas le temps d'interroger ses victimes avant qu'ils atteignent le second stade. Ils devaient absolument retravailler ça au plus vite. Personne dans le bar n'eut l'air très surpris de voir l'homme tomber sur la table. Ils étaient probablement habitué à voir les ravages de l'alcool sur plus d'un client.

Agrippant le coude du sorcier, la mage noir agita sa baguette et ils disparurent dans un craquement, sans même que le barman lève les yeux de son nettoyage douteux de verres.


Erwan n'était manifestement pas mort, sauf si l'enfer ou le paradis étaient semblable à une chambre richement décorée. Et pourvu d'un portrait d'enfants louchant avec curiosité sur l'homme allongé sur le lit à baldaquins. La lumière du jour traversait d'épais rideaux en velours vert, le sorcier avait probablement passé la nuit dans ce lit, dans cette chambre.

« Il parait que tu es un espion russe, mais t'as pas l'air si dangereux. »

Fit le premier enfant dans le tableau, un petit garçon aux lourdes boucles brunes et au regard pâle qui rappelait sans nul doute une certaine sorcière.

« J'ai toujours dis que Catherine et Hope avaient mauvais goûts. »

Cette fois-ci c'était une petite blonde, une enfant dans le portrait également, qui avait parlé d'un ton bien hautain pour son jeune âge. Mais une certaine prestance se dégageait de l'enfant peinte, un charisme qui n'était pas seulement dû à sa candide blondeur et son regard bleu océan.

D'un gloussement complice, les deux enfants sautèrent sur le bord du tableau et disparurent pour laisser le tableau vide, seulement un fond verre boueux. La porte s'ouvrit alors et une créature rabougrie et légèrement bossue fit son entrée. Elle jeta un oeil au portrait, comme si elle avait entendu les enfants et finalement, l'elfe de maison, puisque cela en était bien un, seulement très vieux, fixa Erwan.

« Une salle d'eau est attenante à votre chambre, fit-elle de sa voix semblable à du papier de verre. Vous y trouverez des vêtements de rechange, il semble que vous vous soyez vomis dessus lors de votre ... la créature hésita et reprit, soirée. Miss Dubois, dans sa grande bonté, a demandé à ce qu'un petit déjeuné soit préparé dans le petit salon. Elle vous y rejoindra. Je vous attendrai devant la porte lorsque vous vous aurez changé. »

Et sans plus de d'information, la créature fit demi-tour de son pas boitillant et comme promis se posa devant la porte. Elle attendait manifestement qu'Erwan exécute ses demandes et il était dans intérêt de les suivre. La salle d'eau était plutôt moderne, fait surprenant car la chambre, elle avait un style assez vieillot avec ce lit à baldaquin, les portraits et les meubles en bois. Mais c'était bien une douche à l'italienne et tout ce qu'avait besoin en produits cosmétiques le sorcier qui était pourvu juste à côté d'un lavabo de marbre.

Toutefois, ce qui était le plus étonnant pour Erwan fut probablement la petite marque sur son avant bras gauche. Marque qu'il n'avait pas la veille et qui lui faisait peut-être encore mal. Marque qui ressemblait à la rune perthro et dont l'encre semblait plus sombre qu'une nuit sans étoiles.

La mage noire qui s'avança pour prendre place sur un des fauteuil, ne semblait pas dans une tenue plus décontractée que la veille. Elle ne portait plus sa cape sombre mais la chemise aux manches échancrées et le pantalon était tout aussi noirs. Ses iris aussi pâle que la glace dévisagèrent un instant le sorcier sans que son visage ne montre la moindre expression à sa petite tentative d'humour.

« Je vois que vous récupérez convenablement, Fray. J'avais un peu peur que l'empoisonnement et la rune fasse trop pour votre coeur et que vous nous quittiez. J'aurai été bien triste de l'apprendre à Hope et Catherine. »

Cette fois-ci ses commissures se retroussèrent légèrement, mais son visage demeurait bien gelé. Au contraire, il semblait qu'elle n'avait pas eu peur du tout et qu'elle n'aurait pas été mécontente de se débarrasser du problème définitivement. Toutefois maintenant qu'il avait la rune, Erwan Fray n'en était plus vraiment un, de problème.

La sorcière attrapa une tasse de thé, du moins semblait-il à la fumée qui s'en dégageait et bu quelques gorgées avant de reprendre, nonchalante.

« Vous pouvez repartir à présent. Sachez que ce tatouage, cette rune, agit comme un contrat de confidentialité lié avec votre sang et votre magie. Rien de ce que vous apprendrez, de la part de Catherine ou de Hope, ne pourra être révélé à une autre personne hors de l'Organisation. Elle prit une nouvelle gorgée, avant de reprendre, susurrante. Voyez-vous, je protège ma famille comme il se doit, Erwan. »

La pique n'était pas subtile et ne voulait pas l'être. Elle reposa la tasse à moitié pleine et se leva, sa chevelure ébène cascadant dans son dos. Elle fixa un instant Erwan, son regard s'assombrissant légèrement.

« Malgré tout, si l'envie vous prend de vous impliquer. Nous pourrons en reparler. Après tout, vous avez des antécédents qui pourraient être utile à l'Organisation, surtout du côté de vos liens avec la Russie. C'est une contrée sauvage qui se laisse difficilement infiltrer. »

Une contrée qui donnait du fils à retordre à la française. Quoique c'était plutôt les espions du groupuscule russe qui étaient à présent tordu et renvoyés en plusieurs morceaux. Erwan serait peut-être capable de faire l'affaire. Et au pire, il serait bien plus facile d'expliquer sa perte à Catherine et Hope. Pour le moment, même si elle n'était plus inquiète sur ses intentions, la mage noire ne faisait que peu confiance à cet homme.